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Inria célèbre les 25 ans du Web avec Tim Berners-Lee

01 juillet 2014

Fabien Gandon, Inria (équipe Wimmics) – © InriaDans le cadre de Futur en Seine, Inria célèbre les 25 ans du web aux côtés de Tim Berners-Lee, l’inventeur de ce formidable outil ! Le 13 juin, lors d’une conférence, sir Tim partagera les défis qui, de son point de vue, attendent le Web pour les 25 prochaines années. Son intervention sera suivie d’un échange avec différents experts dont Fabien Gandon, responsable de l’équipe-projet Inria Wimmics, qui nous donne sa vision du Web.

Que représente pour vous les 25 ans du Web et la venue de Tim Berners-Lee en France à cette occasion ?

Pour moi, la venue de Tim en France à l’occasion des 25 ans du Web rappelle au moins deux choses.
Tout d’abord la France et Inria ont participé à la naissance du Web il y a 25 ans et du consortium de standardisation de son architecture (W3C) il y a 20 ans. Depuis, Tim qui parle le français, et le W3C qui emploie un certain nombre de nos compatriotes, ont toujours gardé un lien avec notre pays.
Ensuite, les déclarations de Tim sur les enjeux du maintien de la neutralité, des libertés et des droits sur le Web, ainsi que ses voyages et interventions dans de nombreux évènements à l’occasion de cet anniversaire montrent l’importance qu’il y a à sensibiliser tous les pays à la nécessité de protéger les acquis du Web. Tous les pays, y compris la France.

On parle maintenant de « l’Open Web Platform » de quoi s’agit-il précisément ?

Des langages comme HTML5, CSS3 ou JavaScript sont maintenant au cœur de la plateforme du Web et avec leur intégration nous tournons définitivement la page d’un Web perçu comme une toile documentaire pour une toile de programmes liés entre eux. Chaque page est potentiellement une application, un service à l’utilisateur. Le Web est définitivement une plateforme standardisée d’applications ouvertes sur internet. Nous sommes passés de l’idée « Write once, publish everywhere » à l’idée « Code once, use everywhere ». Cette plateforme du Web est dite ouverte car constituée de technologies libres de droits soit « ouvertes » qui permettent à tout le monde d’implémenter et publier un nouveau composant du Web sans avoir à obtenir ou à s’affranchir de licences. Ces technologies non-propriétaires et indépendantes du domaine d’application facilitent une innovation ouverte et distribuée à l’échelle mondiale.

Quels sont les enjeux et défis de cette « Open Web Platform »?

Si à travers les standards nous concevons l’architecture du Web, sa nature participative fait que l’objet Web qui en émerge est ouvertement co-construit à l’échelle mondiale dans une innovation distribuée et sans frontière disciplinaire. Ceci en fait l’un des artefacts les plus complexes produit par l’humanité. Cette complexité libre et ouverte lui donne à la fois richesse et difficulté. Richesse d’une plateforme d’innovation ouverte mondiale. Difficulté à appréhender le Web dans son ensemble. Cette plateforme mondiale ouverte appelle et induit des évolutions dans toutes les dimensions de nos sociétés (juridique, économique, politique, etc.). La perception du Web doit une fois pour toute dépasser sa nature et son évolution initialement techniques pour aller vers le développement réellement pluridisciplinaire du Web qui est la seule façon pour lui d’atteindre son plein potentiel, et notamment de nous assister à tout moment et dans toutes les activités humaines. Pour cela le Web et son futur appellent non seulement une approche scientifique mais, plus généralement, je suis convaincu que les trois « w » du World-Wide Web appellent les trois « m » d’une Méthodologie Massivement Multidisciplinaire.

Comment imaginez-vous le Web dans 25 ans ?

À chaque fois que l’on me pose cette question je commence par rappeler que si l’on m’avait demandé de prédire le Web il y a dix ans j’aurais été incapable de prédire la situation actuelle. Il y a dix ans Facebook avait à peine 5 mois et était inconnu en France. Il y a dix ans les Smartphones qui décupleraient l’accès mobile au Web n’étaient perceptibles que dans des pays comme le Japon.

Je ne sais pas à quoi ressemblera le Web dans 25 ans mais il y a de fortes chances pour qu’il n’ait plus vraiment de forme unique si la tendance qu’il a à s’intégrer à tous les objets autour de nous se confirme (montres, salles, lunettes, voiture, télé, abris bus, etc.). Le Web ayant dépassé sa forme initiale d’un espace documentaire, offre et lie maintenant tous types de ressources numériques (données, services) et non numériques (personnes, lieux, évènements, entreprises, etc.). Cette évolution permet toujours plus d’interconnexion et d’intégration à notre quotidien. Le Web se diffuse, devient une plateforme applicative ubiquitaire et offre à tous les objets qui le rejoignent un accès à toutes ses ressources. Plus il s’enrichit et plus il est attractif pour de nouveaux objets et applications connectés. Et plus il attire d’objets et d’applications qui produisent et consomment données et services et plus il devient attractif. Chaque objet ou application qui rejoint le Web est à la fois un nouvel accès pour nous au Web et un nouvel accès pour le Web à notre monde.

Plus fascinant encore, le Web devient un immense espace d’interaction homme-machine. De plus en plus de sites font interagir des utilisateurs et des logiciels dans des espaces sociaux partagés créant ainsi des communautés hybrides d’agents logiciels et d’utilisateurs. Wikipedia est par exemple maintenue conjointement par des utilisateurs et des (web ro)bots. Le Web a cet énorme potentiel de permettre une intelligence et une socialité augmentés à très grande échelle.
Au-delà d’imaginer, j’ose aussi espérer plusieurs évolutions et notamment je souhaite voir le Web évoluer vers une réduction active de la fracture numérique, vers la préservation de cette conversation mondiale qu’il a établie, ainsi qu’un juste équilibre entre le bien des individus et le bien des collectifs.

Saint-Exupéry écrivait : « L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. ». Notre responsabilité est avant tout de permettre le meilleur avenir possible pour le Web.